L'horlogerie dans le Jura
Fleuron de l'industrie jurassienne
Une qualité que l'on reconnaît volontiers au peuple suisse est le goût de la précision et du travail soigné. Le région du Jura n'a pas peu contribué à établir cette réputation à mi-chemin entre le mythe et la réalité.
L'essentiel de l'activité industrielle jurassienne s'est en effet longtemps concentré autour de la fabrication de produits horlogers, ce vaste empire de l'exactitude et de l'ingéniosité. Nos vallées ont ainsi vu prospérer une multitude d'ateliers, de manufactures et d'usines de grande à moyenne importance, dont certaines se sont spécialisées dans un domaine particulier de ce secteur très varié. Sans oublier les nombreuses ouvrières et ouvriers qui, jadis, ont contribué au riche développement de cette branche par le biais de leur travail effectué à domicile. Notons que cette dernière pratique tend aujourd'hui à disparaître, pour des raisons qui incombent essentiellement à l'évolution technologique.
A la recherche des origines
L'année 1730 voit s'établir, à Delémont, un dénommé Tiegai, orfèvre et joaillier de son état. Il sera suivi, dans son activité, par l'horloger Vernier-Feune qui, également élira domicile dans l'actuelle capitale du canton du Jura. Alors qu'à Séprais, Justin Queloz fabriquait déjà des montres qui aujourd'hui encore nous surprennent par la longévité de leurs mouvements. Ces trois hommes ingénieux font figure de pionnier de l'horlogerie jurassienne. En 1735, à Villeret, dans le vallon de Saint-Imier, au coeur du Jura méridional, un atelier de montres de luxe est fondé.
Aux alentours de 1860, l'actuel canton du Jura compte déjà plusieurs manufactures d'horlogerie de grande importance. Les premiers jalons d'une industrie, qui, jusqu'à nos jours, allait devenir florissante tout le long de la Chaîne du Jura, sont ainsi posés.
Répartition géographique de l'industrie horlogère
Si, dans le Jura historique, l'industrie horlogère représente le pourcentage de travailleurs le plus élevé del'ensemble de l'activité économique (30% env.), ce vaste domaine se partage entre les différentes régions de l'Arc jurassien. On désigne ainsi la chaîne de montagnes et ses vallées qui s'étendent de Genève à Bâle. Il faut noter d'ailleurs, que les grandes cités horlogères de Suisse sont toutes situées à l'extérieur du canton du Jura ou du Jura bernois. Ainsi, Granges (Grenchen) se trouve dans le canton de Soleure, Neuchâtel, La Chaux-de-Fonds et le Locle dans le canton de Neuchâtel et Bienne dans le canton de Berne.
Il existe également une répartition géographique des différentes branches de l'horlogerie à l'intérieur même du Jura. Ainsi, les Franches-Montagnes et le district de Delémont se sont spécialisés dans la fabrication de boîtiers. Bassecourt, importante localité du Haut de la Vallée de la Sorne, comptait, dans un passé récent, plusieurs grandes manufactures de boîtes de montre qui ont occupé jusqu'à neuf cents personnes au total. Quant à l'Ajoie, autrefois, elle a apporté sa contribution à l'essor du secteur en se spécialisant dans l'usinage de pierres fines. L'usage de la pierre fine répondait alors au besoin d'une technologie aujourd'hui tombée en désuétude. Il faut aussi signaler, à propos de l'Ajoie, qu'une entreprise de microtechnique de pointe, établie à Bonfol, s'est illustré en réalisant des mouvements miniatures ayant servi à équiper les astronautes des missions Apollo dans les années septante.
Les activités de la branche horlogère ont également donné naissance, dans les vallées où elles sont exercées, à toute une industrie annexe, telle que, par exemple, la construction de machines-outils et la fabrication d'outillages spéciaux destinés à la microtechnique. Dans ce secteur satellite, c'est Moutier et la Vallée de Tavannes qui rayonnent aujourd'hui par leur production de grande qualité largement exportée à l'étranger.
L'horlogerie jurassienne et ses grands tournants
Vieille de deux siècles, l'horlogerie a connu, on s'en doute, de nombreux tournants décisifs qui, plus d'une fois ont orienté son avenir. Elle fut souvent amenée à relever de grands défis. D'abord artisanat régional, elle ne tarda pas à s'élever au rang d'industrie mondialement renommée. La production horlogère jurassienne a connu, à son tour, de nombreuses révolutions technologiques qui parfois n'ont pu s'accomplir sans le douloureux et important sacrifice d'une main d'oeuvre qualifiée.
L'épopée de l'horlogerie dans l'Arc jurassien est jalonnée d'heures de gloire, comme ce fut le cas dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, et ponctuée de périodes sombres, vers le milieu des années septante notamment. C'est à travers ces crises passagères que le Peuple jurassien a pris conscience de la vulnérabilité d'une région n'offrant, comme perspective, qu'un seul champ d'activité.
Prétendant conquérir un marché international, la branche horlogère suisse est constamment tributaire des fluctuations du dollar. C'est là l'origine essentielle des ères de ralentissement de production qu'elle traverse régulièrement. En revanche, elle a toujours offert au monde des produits d'une qualité exceptionnelle et a su, par conséquent, demeurer à l'avant-garde et résister aux assauts de la concurrence, en particulier celles des pays asiatiques.
Du fait de son prestige et de sa grande qualité, la montre suisse doit aussi mener en permanence une lutte acharnée, dirigée contre l'invasion de fabricants de contrefaçons sans scrupule et demeurer vigilante face à l'espionnage industrielle. Mais actuellement, un des graves problèmes auxquels l'activité horlogère demeure confrontée est celui de la formation et de l'acquisition de main d'oeuvre qualifiée. En effet, la stabilité précaire du secteur horloger dissuade la jeune génération d'entreprendre une profession en rapport direct avec la fabrication de montres-bracelets. Malgré ces difficultés et en raison d'une solide réputation qu'elle s'est forgée sur le marché mondial, l'horlogerie jurassienne est encore promise à un bel avenir.
Références bibliographiques : Jura total, EDITIONS DE LA PREVOTE